Justine Dufour-Lapointe réoriente sa carrière de skieuse, se joint au FWT

MONTRÉAL — La double médaillée olympique Justine Dufour-Lapointe, qui était en réflexion depuis quelques mois déjà au sujet de son avenir sportif, a finalement troqué le cadre rigide du ski acrobatique pour celui beaucoup plus permissif du ‘freeride’. Une façon de retrouver sa liberté, a-t-elle admis. 

La Québécoise, très présente sur les réseaux sociaux, a indiqué avoir pris cette décision après avoir observé du contenu promotionnel de ce circuit sur différentes plateformes.

«Il y a un moment — je ne sais pas trop quand — où j’ai eu cette idée-là, en me disant: ‘Hey, le freeride, ç’a l’air vraiment cool’, a-t-elle raconté en entretien téléphonique avec La Presse Canadienne. Je voyais du contenu sur les réseaux sociaux et j’aimais bien le fait qu’il y avait une espèce de liberté d’expression, que c’était un sport différent. De plus, il utilise les mêmes habiletés que celles que j’avais en bosses.»

Dufour-Lapointe a donc annoncé mardi matin qu’elle poursuivra sa carrière sur le Freeride World Tour (FWT). Elle est du même coup devenue la première Québécoise — et la première Olympienne — à se joindre à ce circuit, qui fut fondé en 1996 en Suisse.

«Après trois cycles olympiques et 12 années incroyables sur le circuit de la Coupe du monde en bosses, je sentais que j’avais besoin de nouveaux défis, a déclaré la médaillée d’or en bosses aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014. Je sentais que ma carrière n’était pas terminée et que j’avais toujours ce feu qui brûlait en moi.»

Le principe du ‘freeride’ est simple: il n’y a pas de chronomètre, pas de sauts travaillés ou encore de pistes damées. Il y a un portillon de départ et un portillon d’arrivée. Les descentes se font dans un environnement naturel et les athlètes sont à la merci de tous les éléments que l’on y retrouve: roches, arbres, crevasses, etc. De plus, les athlètes ne peuvent pas skier sur la face de la montagne ciblée avant la compétition. Ils doivent l’analyser avec des jumelles de distance.

Les participants sont ensuite jugés pour la qualité de leur descente et se voient offrir une note entre 0 et 100. Le jury est composé de quatre juges dont la note est accordée en fonction de cinq critères d’évaluation: la difficulté et le choix de la ligne, le contrôle, la fluidité, les sauts et la technique. L’athlète ayant récolté le plus de points à la fin de la saison est sacré champion du monde.

«Je veux me donner une liberté dans un tout nouvel environnement, a poursuivi celle qui a décroché quatre médailles en carrière aux Championnats du monde, dont une victoire en bosses aux Mondiaux de 2015. J’ai envie de me perfectionner dans une autre discipline et de connecter avec la montagne d’une autre façon. Je me lance ce nouveau défi pour retrouver l’adrénaline que j’ai toujours eue pour le ski et pour sortir de ma zone de confort. Je veux tracer mon propre chemin et laisser ma marque.»

C’est dans ce contexte qu’elle a passé les derniers jours dans les Alpes françaises, à Val-Thorens et Tignes. Mais ce n’est pas hier la veille que son entraînement en ‘freeride’ a commencé. Loin de là.

«Les gens ne s’en sont pas trop rendu compte, mais j’ai déjà fait des camps d’entraînement au Colorado, puis en Nouvelle-Zélande cet été, a évoqué Dufour-Lapointe. C’était pour voir et expérimenter le ‘freeride’, en amont, pour être certaine qu’au moment de prendre ma décision, je sois sûre à 100 %. Et quand je l’ai expérimenté la première fois, avec le danger, la lecture de piste et tout (…) j’ai réalisé que ce que j’aimais, c’était la liberté.»

Un chapitre qui n’est pas clos

Dufour-Lapointe a indiqué du même souffle qu’elle n’est pas prête à clore totalement le chapitre de sa carrière portant sur le ski acrobatique — faut-il rappeler que le ‘freeride’ ne fera pas partie du programme des Jeux olympiques de Milan/Cortina d’Ampezzo en 2026, contrairement aux épreuves de ski acrobatique (bosses)?

La principale intéressée a d’ailleurs admis avoir ressenti un léger pincement au coeur en regardant la première étape de la Coupe du monde de ski acrobatique à Ruka, en Finlande, le week-end dernier. Après tout, c’était la première fois en plus d’une décennie qu’il n’y avait pas de soeur Dufour-Lapointe dans le portillon de départ. 

«Je pense que c’était spécial pour mes soeurs et moi. Nous nous sommes appelées, et on trouvait ça très étrange de le voir, et d’être à l’extérieur. Le début de saison, c’est toujours un moment marquant, car l’excitation est là, la fébrilité. Oui, ça nous a fait un petit quelque chose au coeur, comme une espèce de deuil. Je pense que c’était impossible pour moi de ne pas observer cette compétition-là», a dit la détentrice de 49 podiums en carrière sur le circuit de la Coupe du monde de ski acrobatique, dont 15 victoires.

Ce choix signifie également qu’elle devra se mettre à la recherche de nouvelles ententes de commandite pour financer son aventure en ‘freeride’, puisqu’elle ne recevra plus de subventions du gouvernement canadien. Un autre défi de taille qu’elle tentera de relever avec brio.

«Je pars avec les partenaires qui croient en moi depuis plusieurs années. Mais je suis aussi énormément à la recherche de nouveaux commanditaires, parce que c’est un sport qui est totalement à part, qui n’est pas financé par le gouvernement. Je dois payer pour me déplacer, me loger, me nourrir, et puisque je commence (en ‘freeride’), et bien j’ai besoin d’aide, de ‘coaching’ et gens qui me supportent. C’est une chance en or, et je pense qu’il y a une belle occasion de développer un marché dans un sport qui est méconnu au Québec, mais qui est très populaire en Europe — c’est même télévisé dans certains pays», a-t-elle souligné.

La skieuse âgée de 28 ans entamera ce nouveau chapitre de sa carrière à Kicking Horse, en C.-B., du 13 au 18 janvier 2023. La saison du FWT comptera cinq étapes au total, et culminera à Verbier, en Suisse, du 25 mars au 2 avril.