Forces armées canadiennes: des changements en cours, mais lents à se concrétiser

OTTAWA — Les changements de politiques et de procédures au sein de l’armée canadienne vont bon train, mais représentent un processus long et exigeant en matière de main-d’œuvre, explique Jocelyne Therrien, la surveillante externe qui suit le travail de mise en œuvre de ces changements. Son deuxième rapport au gouvernement, récemment publié, indique qu’il existe une «quantité impressionnante de règles et de règlements» et un «large éventail d’instruments politiques» régissant les Forces armées canadiennes.

«On me dit qu’ils peuvent parfois se contredire», écrit Mme Therrien dans son rapport du 7 novembre, rendu public lundi.

«Par conséquent, même des changements politiques relativement simples peuvent nécessiter plusieurs mois de travail de la part de nombreuses personnes», décrit-elle.

Dans son premier rapport du printemps dernier, Mme Therrien avait réclamé la création d’un plan pluriannuel pour suivre les progrès des efforts déployés par l’armée pour mettre en œuvre un changement de culture.

Elle a déclaré que la cheffe de la conduite professionnelle et de la culture de l’armée, la lieutenante-générale Jennie Carignan, a élaboré un tel plan cet été. Cela n’a pas été rendu public.

«Il est d’une importance cruciale que le plan indique qu’il mesurera et rendra compte des résultats plutôt que de l’achèvement des activités», a écrit Mme Therrien.

Revoir la définition d’inconduite sexuelle

Mme Therrien a déclaré que les plus hauts niveaux de l’armée s’efforcent clairement de s’attaquer au problème des inconduites sexuelles.

Pourtant, c’est un long processus.

Les changements visant à abolir l’utilisation d’une définition militaire de l’inconduite sexuelle et à utiliser une définition normalisée de l’agression sexuelle dans le Code criminel seront «prêts à être approuvés» d’ici la fin de 2023, a indiqué Mme Therrien.

Cette décision fait partie d’un effort continu visant à répondre aux 48 recommandations formulées par l’ancienne juge de la Cour suprême, Louise Arbour, dans un rapport cinglant sur la culture militaire, en mai 2022.

Mais la mise à jour de la directive ministérielle qui utilise ces définitions «implique davantage de processus».

Et il faudra attendre la fin de 2024 pour mettre à jour les politiques des forces armées afin qu’elles utilisent la définition du harcèlement du Code canadien du travail, a-t-elle déclaré.

Le rapport Arbour demandait également au gouvernement fédéral de supprimer la compétence de l’armée sur toutes les infractions sexuelles prévues dans le Code criminel – ce que le ministre de la Défense, Bill Blair, a déclaré lundi.

Toutefois, lorsqu’on lui a demandé quand ce changement surviendrait, M. Blair était moins sûr.

«Je proposerai une solution législative à ce problème dans les mois à venir, et j’espère avant la fin de cette année», a-t-il déclaré aux journalistes.

Le gouvernement a accepté une recommandation provisoire de Mme Arbour en novembre 2021 visant à renvoyer ces infractions aux autorités civiles.

Depuis, 275 cas ont été signalés à la police militaire. Mme Therrien a déclaré que 142 d’entre eux ont été transférés à la police civile, qui a accepté 101 cas et en a refusé 41 autres. Les cas refusés ont fait l’objet d’une enquête soit par le Service national des enquêtes des forces armées, soit par la police militaire.

Le rapport indique que les 133 cas qui n’ont pas été renvoyés à la police civile se répartissaient en plusieurs catégories : les incidents qui se sont produits à l’extérieur du Canada, les victimes qui ne voulaient pas poursuivre l’enquête ou les victimes qui voulaient continuer dans le système de justice militaire.

M. Blair a déclaré qu’il ne croyait pas que ce soit conforme à l’esprit de la recommandation de Mme Arbour de laisser le système de justice militaire continuer à traiter les cas.

«Franchement, nous voulons que toutes ces affaires fassent l’objet d’une enquête de la police compétente et qu’elles soient jugées par le système de justice pénale civile, a-t-il dit. C’est pourquoi nous changeons la loi.»