François Legault a déclaré que le 1er juillet «va bien aller», déplore l’opposition

MONTRÉAL — «Est-ce que ça a bien été 1er juillet 2021? Oui. Bien, ça va bien aller aussi le 1er juillet 2023», a affirmé le premier ministre François Legault, jeudi au Salon bleu, lors d’un échange avec le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois. Une déclaration qui ne passe pas pour les partis d’opposition et des organismes communautaires. 

«François Legault se met la tête dans le sable. Ce premier ministre-là est déconnecté de la réalité de la crise du logement depuis le début», a réagi Gabriel Nadeau-Dubois en entrevue. 

Le chef parlementaire de QS avait questionné le premier ministre à près de 50 jours du 1er juillet, lui demandant de nommer «un geste concret, un seul, qu’il va poser dans la prochaine année pour limiter l’explosion des loyers au Québec».

Ce à quoi M. Legault a répondu: «Est-ce que ça a bien été le 1er juillet 2022? Oui. Est-ce que ça a bien été 1er juillet 2021? Oui. Bien, ça va bien aller aussi le 1er juillet 2023. On prend les mesures pour que tout le monde ait une place où loger. Donc, ça, c’est très clair ». 

Des paroles auxquelles n’adhère pas QS. «Même les gens qui trouvent un appartement, ça ne veut pas dire qu’ils trouvent un appartement à prix raisonnable, ça ne veut pas dire qu’ils trouvent un appartement qui répond à leurs besoins. Il y a de plus en plus de gens au Québec qui s’entassent dans des appartements trop petits pour eux, ou trop chers pour eux», a affirmé M. Nadeau-Dubois au bout du fil. 

Joël Arsenau, porte-parole du Parti québécois en matière d’habitation, déplore aussi les propos de M. Legault. «J’ai beaucoup de difficulté à saisir comment le premier ministre peut être aussi mal informé de la situation, alors que certains de ses ministres ont mis en place des mesures, certes insatisfaisantes, pour justement tenter de palier à la crise. Puis aujourd’hui, de dire que les deux dernières années ça a bien été, moi je suis véritablement perplexe», a-t-il déclaré en entrevue. 

«Ça augure pas très bien quand un gouvernement comme ça semble être déconnecté, ou nier la réalité qui est vécue par des milliers de familles, et ce n’est pas uniquement dans les milieux urbains», a-t-il renchéri, en invitant le gouvernement à prendre des mesures telles que l’abolition de la clause F sur les baux, qui permet aux propriétaires, au cours des cinq années suivant la construction d’un nouvel immeuble, d’augmenter le loyer sans tenir compte des recommandations du Tribunal administratif du logement. 

«Je me demande quel 1er juillet le premier ministre a vécu», a pour sa part déclaré Virginie Dufour, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d’affaires municipales et d’habitation. Elle dit plutôt voir la période des déménagements à venir «avec beaucoup d’inquiétude». 

«Plus le taux d’inoccupation baisse, et moins il y a des options pour les familles pour se reloger, et là on est dans des taux comme on n’a jamais vu, a souligné Mme Dufour. On ajoute à ça toutes les personnes qui ont subi des évictions dans les derniers mois.»

«C’est pire que l’an passé »

Pour le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), les 1er juillet sont loin de bien se dérouler. 

«On a vu dans les dernières années la durée pour laquelle les ménages locataires avaient besoin d’hébergement temporaire augmenter», a affirmé la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme. L’an dernier, l’organisme avait recensé 600 ménages locataires accompagnés par un service d’aide qui se sont retrouvés sans bail, le 1er juillet au Québec. 

«On a constaté l’an passé que deux mois après le 1er juillet, il y avait encore quelques centaines de ménages locataires qui étaient sans logis. Donc, on voit que les 1er juillet sont de plus en plus difficiles, et la période pour laquelle les gens appellent à l’aide, et pour laquelle les gens ont besoin d’aide, s’allonge », a expliqué Mme Laflamme. 

Guillaume Dostaler, coordonnateur d’Entraide Logement Hochelaga-Maisonneuve, rapporte le même scénario. «C’est pire que l’an passé, qui était pire que l’année d’avant, qui était pire que l’année d’avant. Ça va être encore pire cette année, ça m’apparaît assez clair», a-t-il déclaré. 

Selon le dernier rapport sur le marché locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), publié en janvier 2023, le taux d’inoccupation des logements à Montréal est descendu de 3,7 % à 2,3 %. Et il est encore plus faible en ce qui concerne les logements abordables. Le taux d’inoccupation des appartements dont les loyers sont d’environ 1000 $ par mois et moins est de 1 %. 

«Les rares logements disponibles sont très chers. On suit de près la situation, mais pour l’instant on a l’impression que ça va être aussi difficile que ça l’a été les dernières années pour les locataires montréalais», a évoqué la porte-parole du FRAPRU. Véronique Laflamme affirme que la rareté de logement se fait de plus en plus sentir en dehors de Montréal, dans des villes comme Trois-Rivières et Sherbrooke, ainsi que dans certaines municipalités du Saguenay-Lac-Saint-Jean. 

L’attaché de presse de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a réagi par écrit en soulignant que «cette année, c’est un budget global de 5,8 millions $ qui est alloué pour répondre aux besoins pressants des ménages sans logis, il s’agit d’une augmentation de 3 millions $ par rapport à l’année précédente», et que «le gouvernement soutiendra les municipalités qui souhaitent aider les ménages sur leur territoire par la mise en place de mesures telles que l’hébergement temporaire ou l’entreposage de biens meubles».

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.