Musique en continu: moins de 10% des écoutes étaient des oeuvres québécoises en 2022

MONTRÉAL — Plusieurs milliards d’écoutes de pistes musicales sur les services de diffusion en continu ont été dénombrées au Québec en 2022. À travers cette consommation massive, les artistes québécois peinent à faire leur place avec moins de 10 % des parts, selon un nouveau rapport de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). 

L’Observatoire de la culture et des communications de l’ISQ a publié mardi son bulletin annuel sur la consommation d’enregistrements musicaux dans la province. Pour la première fois, il offre un portrait complet sur les tendances en matière de musique en continu grâce à des données du système Luminate Data. 

On y révèle que les Québécois ont écouté près de 24 milliards de pistes musicales sur les plateformes de diffusion en continu l’an dernier. 

Tout au long de l’année, la consommation sur ces services de diffusion en continu a affiché une croissance constante, expose l’autrice du rapport, Lysandre Champagne, chargée de recherche à l’Observatoire. 

«On n’a pas les données sur les revenus ou sur le nombre d’abonnés au Québec. On a seulement la consommation musicale, puis ces données nous suggèrent que ce type de consommation est en hausse», affirme-t-elle en entrevue. 

«Famélique»

Les œuvres interprétées par des artistes du Québec n’ont représenté toutefois que 8 % de tous ces téléchargements. 

Parmi les 10 000 pistes les plus écoutées, la part pour les morceaux interprétés en français grimpe à 8,6 %, dont environ 5 % étaient des pièces franco-québécoises. La grande majorité des écoutes (85,7 %) étaient des oeuvres interprétées en anglais.

Quatre chansons d’artistes québécois sont parvenues à se hisser dans le palmarès des 100 pistes les plus écoutées, d’après l’Observatoire. On y retrouvent «Copilote» (version «Grignotines de Luxe») de FouKi et Jay Scott en 25e position , «L’Amérique pleure» des Cowboys fringants en 68e  position, «Lullaby» d’Alicia Moffet en 72e position et «Meaningless» de Charlotte Cardin en 93e position. 

Pour des organisations du milieu musical, ces données sur la place qu’occupent les artistes d’ici sur les plateformes de diffusion en continu n’ont rien de surprenant, mais restent préoccupantes. 

«Cinq pour cent de musique vocale francophone d’origine québécoise sur les plateformes de streaming, c’est un pourcentage qu’on pourrait qualifier de famélique», commente la directrice générale de l’ADISQ, Eve Paré.

La manière dont les plateformes numériques sont conçues est notamment pointée du doigt. 

«Le consommateur est de plus en plus passif dans sa façon d’écouter de la musique. On va se laisser porter par les recommandations, que ce soit les listes de lecture ou les effets des algorithmes. Et les plateformes ne sont pas celles qui vont nécessairement privilégier les contenus locaux dans leurs recommandations», dit Mme Paré en entrevue. 

Les chiffres viennent confirmer l’importance de la loi fédérale sur la diffusion continue en ligne — dont l’élaboration du cadre réglementaire est en cours auprès du CRTC — soutient le directeur général de l’Association des professionnels de l’édition musicale, Jérôme Payette. 

«L’un des objectifs de la loi, c’est justement de favoriser la mise en valeur et la recommandation de notre musique locale. (…) Ce n’est pas vraiment nouveau que de demander que notre musique soit mise de l’avant. On a des quotas à la radio depuis des décennies. Maintenant, l’idée c’est de transposer ça à l’environnement numérique», affirme-t-il. 

Différences régionales

Difficile de tirer des comparaisons entre 2021 et 2022. L’ISQ n’avait recensé que des données sur une période de 11 semaines en 2021, soit d’octobre à décembre. 

Il semble se dégager toutefois une tendance à l’approche du temps des Fêtes où des variations importantes ont été notées pour cette période durant les deux dernières années. 

«On voit la consommation de musique en continu qui monte au mois de décembre et qui redescend à son plus bas niveau pendant les semaines de Noël et du Jour de l’an. On se rend compte que probablement les gens consomment beaucoup de musique enregistrée lors de leurs déplacements ou au travail», mentionne Mme Champagne. 

L’analyse de l’Observatoire montre également certaines différences régionales dans les préférences musicales. Par exemple, la plus forte consommation de rock alternatif a été enregistrée dans les régions de Québec et de Shawinigan, tandis que Montréal affiche la plus grande part d’écoute pour le RnB/hip-hop et le rap. 

Les musiques populaires ont obtenu un peu plus la cote dans la région du Saguenay qu’ailleurs au Québec, alors que le country s’est davantage imposé dans la région de Gatineau. 

Plus de la moitié des écoutes faites sur les plateformes de musique en continu au Québec a d’ailleurs été enregistrée dans la métropole québécoise en 2022, alors qu’elle représenté 23 % de la population de la province. 

Cette concentration pourrait s’expliquer en partie par le système de géolocalisation des plateformes, qui fait en sorte que les personnes de l’extérieur venant travailler à Montréal puissent faire augmenter la part des écoutes pour cette ville, avance l’Observatoire.

Déclin des ventes d’albums

Le bulletin sur la consommation d’enregistrements musicaux présente de nouveau des données sur les ventes d’albums. 

La tendance à la baisse s’est poursuivie pour les disques compacts l’an dernier avec un recul de 19 % par rapport à 2021. Un constat similaire pour les albums et les pistes en fichier numérique. 

À l’inverse, les ventes des disques vinyle ont une nouvelle fois connu une hausse, représentant maintenant près de 25 % des ventes d’albums sur support physique, «du jamais vu en 20 ans», selon l’ISQ.