Véhicules électriques: la cible du Québec est trop basse, dit Équiterre

QUÉBEC — Le gouvernement Legault manque d’ambition dans son virage vert: il n’exigera pas des manufacturiers suffisamment de véhicules électriques pour répondre à la demande du marché québécois, selon Équiterre.

L’organisme écologiste demande notamment qu’on pénalise davantage financièrement les acheteurs de camionnettes et des populaires véhicules utilitaires sport (VUS): une surtaxe de plusieurs milliers de dollars de redevances, afin de subventionner les acheteurs de véhicules électriques.

Dans un mémoire obtenu par La Presse Canadienne, Équiterre critique la nouvelle norme projetée par le ministre de l’Environnement, Benoit Charette.

L’organisme réclame d’interdire la vente des véhicules à essence pour 2030, au lieu de la cible actuelle de 2035, mais exige aussi des constructeurs qu’ils vendent davantage de véhicules électriques au Québec d’ici là.  

La nouvelle norme sur les véhicules zéro émission (VZE) projetée par le gouvernement imposerait que 12,5 % des véhicules neufs vendus en 2025 soient électriques, soit une hausse d’environ 1 % par an, par rapport au 9,5 % de véhicules électriques vendus à l’automne 2021. Le nouveau resserrement de la norme ne se fait sentir qu’à partir de 2029. 

«Ce que le gouvernement propose est insuffisant», a affirmé Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre. 

Le projet de norme est insuffisant, considérant que le Québec s’est engagé en vertu des accords internationaux à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % pour 2030 par rapport à 1990, estime l’organisme. Or 43,3 % des émissions de GES au Québec sont attribuables au secteur des transports.

«C’est une occasion manquée d’être plus ambitieux, sachant que ça s’en vient très rapidement», a-t-elle soutenu, dans une entrevue avec La Presse Canadienne. 

«On a un escalier à monter pour atteindre notre cible de 100 % (de véhicules électriques) en 2035. Le principe est simple: il ne faut pas garder toutes les marches à monter entre 2030 et 2035, mais donner le grand coup dès maintenant.»

En outre, selon l’organisme, si le Québec n’exige pas davantage de véhicules électriques, les manufacturiers iront les vendre dans d’autres marchés. 

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avait déjà laissé entendre qu’il était irréaliste de bannir la vente de véhicules à essence en 2030 plutôt que 2035. Selon lui, il risque de ne pas y avoir assez de véhicules électriques en 2030 pour répondre à la demande du marché québécois.

«Ça s’est jamais vu nulle part dans le monde que des constructeurs décident de retirer leurs véhicules parce que les normes sont trop sévères», rétorque Mme Brazeau.

«Tant qu’on n’aura pas les normes suffisamment rigoureuses, les constructeurs vont préférer envoyer leurs véhicules zéro émission dans les pays où il y a ce genre de règlements.»

Bonus-malus

Équiterre propose la mise en place d’un système de redevances autofinancé, «bonus-malus», selon lequel on exigerait une redevance supplémentaire aux acheteurs d’un véhicule énergivore, qui financerait une remise aux acheteurs de véhicules électriques.

Dans un tableau de projections, l’organisme suggère dès 2022 une redevance de 4840 $ pour une camionnette à essence qui ne sert pas à des fins professionnelles, avec des paliers qui augmentent jusqu’à dépasser 10 000 $ en 2030. 

Pour les VUS exclusivement à essence, la surtaxe serait de 1800 $ en 2022 pour s’approcher des 4000 $ en 2030. 

Objectifs peu contraignants 

Les objectifs du Québec en matière de véhicules à faibles émissions de GES sont tellement peu contraignants actuellement que les grands manufacturiers auraient pu se permettre de ne plus vendre aucun véhicule électrique entre février 2021 et septembre 2022, concluait un rapport dont avait fait état La Presse Canadienne l’an dernier. 

Des reportages ont signalé une augmentation en flèche des ventes de véhicules électriques ces dernières semaines, en raison de la hausse draconienne du prix du litre d’essence. 

Le projet de règlement doit franchir plusieurs autres étapes avant d’être mis en oeuvre. 

Il est notamment tributaire de l’adoption du projet de loi 102 sur l’environnement, qui est actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale.