Poilievre veut que Twitter étiquette la CBC «média financé par le gouvernement»

OTTAWA — Pierre Poilievre demande à Twitter d’étiqueter les comptes de la CBC de média «financé par le gouvernement», alors que d’autres diffuseurs publics, comme la radio NPR aux États-Unis, dénoncent cette mesure comme une atteinte à leur intégrité en matière d’indépendance éditoriale. 

Le chef conservateur a fait cette requête aux dirigeants de la plateforme de médias sociaux, à San Francisco, et il a publié mardi une copie de sa lettre sur son compte Twitter.

Dans une note sur Twitter pour présenter sa lettre, M. Poilievre écrit que «nous devons protéger les Canadiens contre la désinformation et la manipulation de média d’État».

«C’est pourquoi je demande à Twitter d’étiqueter comme il se doit la CBC ‘média financé par le gouvernement’. Il s’agit d’un fait. Et les Canadiens méritent qu’on leur présente les faits.»

Dans sa lettre à Twitter, M. Poilievre demande que l’étiquette «financé par le gouvernement» soit apposée sur tous les comptes «d’actualités» de la CBC. Le chef conservateur ne fait pas mention, par contre, du réseau français du diffuseur public, Radio-Canada.

Le géant Twitter définit les médias «financés par le gouvernement» comme des organes de presse qui pourraient être l’objet d’une ingérence du gouvernement dans le contenu éditorial, à un degré ou un autre. 

M. Poilievre croit que cette définition s’applique à la CBC. 

Mais le diffuseur public souligne mercredi que tous les Canadiens savent pertinemment que CBC/Radio-Canada est financé par les contribuables. La CBC assure que son indépendance éditoriale est toutefois garantie par la Loi sur la radiodiffusion.

Au cabinet du ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, on indique mercredi que le financement du diffuseur public fonctionne bien, et que les députés aux Communes ne décident que de son budget, pas de ses décisions éditoriales.

«Il s’agit d’une société de la Couronne indépendante des pouvoirs politiques», a souligné Laura Scaffidi, attachée de presse du ministre Rodriguez. Elle qualifie l’allégation de M. Poilievre d’«attaque contre les journalistes».

D’autres médias d’information ont soulevé des préoccupations concernant la distinction à faire entre «financé par le gouvernement» et «financé par les contribuables», ou encore «média d’État» et «diffuseur public».

«Affilié à l’État»?

Twitter a déjà apposé la semaine dernière l’étiquette «financé par le gouvernement» sur les comptes de la BBC, le diffuseur public britannique, et ceux de la National Public Radio, la radio publique américaine. 

Twitter avait d’abord utilisé pour ces médias l’étiquette «affilié à l’État», un terme généralement attribué aux médias d’État qui relaient la propagande d’un régime autoritaire —comme la Russie et la Chine.  

Le géant des médias sociaux a changé une nouvelle fois mercredi l’étiquette de la BBC, en optant pour «média financé par le public» — ce que le nouveau patron de Twitter, Elon Musk, avait promis de faire lors d’une entrevue à la BBC mardi. 

Le milliardaire avait admis qu’il n’aurait pas de problèmes avec les termes que la BBC utilise elle-même pour se définir, et il a assuré qu’il avait du respect pour ce diffuseur public.

L’organisme Les AMIS, qui défend la radiodiffusion publique au Canada, estime que M. Poilievre devrait avoir honte de comparer la CBC à des médias comme Sputnik TV, de Russie. «Ces tactiques sont irresponsables, dangereuses et minent la démocratie, que des institutions comme CBC/Radio-Canada tentent désespérément de soutenir.»

Mercredi, la radio publique NPR aux États-Unis a annoncé qu’elle quittait Twitter parce que cette étiquette «sape sa crédibilité en laissant entendre à tort qu’elle n’est pas indépendante sur le plan éditorial». 

NPR reçoit du financement du gouvernement américain par le biais de subventions d’agences et de ministères fédéraux, ainsi que de la Corporation for Public Broadcasting. Mais cet organisme a déclaré que ce financement comptait pour moins de 1 % du budget de fonctionnement annuel de NPR.

Il s’agit du premier grand média d’information à prendre une telle décision depuis qu’Elon Musk a pris le contrôle de Twitter l’an dernier. La plateforme est parfois critiquée pour la façon dont elle filtre, ou pas, la diffusion de fausses informations.

Twitter a aussi retiré récemment au «New York Times» son petit «crochet d’authenticité», parce que le quotidien américain avait annoncé qu’il ne paierait pas pour le conserver. 

La CBC a indiqué de son côté qu’elle n’avait pas encore décidé de son avenir sur Twitter si la plateforme décidait de lui apposer une étiquette non désirée. 

En 2021-2022, CBC/Radio-Canada a reçu 1,2 milliard $ du gouvernement fédéral, comparativement à 1,4 milliard $ l’exercice précédent. Le diffuseur public tire aussi des revenus de la publicité et des abonnements, entre autres.