La relève entrepreneuriale traverse une période de mouvance au Québec

ÉCONOMIE. La culture entrepreneuriale québécoise n’est pas seulement en train de changer. Elle connaît en fait un bouleversement radical, révèle la Fondation de l’entrepreneurship dans l’édition 2015 de son Indice entrepreneurial québécois. Et à ce chapitre, toutes les régions du Québec ne sont pas égales.

En 2009, selon la Fondation de l’entrepreneurship, 7,1 % des Québécois avaient l’intention de se lancer en affaires. Six ans plus tard, la proportion a presque triplé, pour atteindre 20,1%, révèle l’Indice publié en collaboration avec la Caisse de dépôt et placement du Québec.

La grande nouveauté dans cette 7e édition, c’est le déplacement du champ d’analyse. Plutôt que de comparer le Québec au Canada, l’Indice est passé en mode introspection. Ce sont les régions du Québec, et les milieux urbains et ruraux, qui sont étudiés.

Un angle neuf qui permet de constater que les différences interrégionales sont marquées. À l’égard des quatre facteurs mesurés par l’Indice (intentions, démarches, propriétaires, fermetures), le Québec est une mosaïque hétérogène.

Au chapitre des intentions, ce sont les «métropoles» (les villes de plus de 250 000 habitants, selon la définition de l’Indice), qui tiennent le haut du pavé. À Montréal, Québec, Gatineau, et Laval, 24,2 % des personnes sondées ont déclaré avoir l’intention d’entreprendre un jour. C’est non seulement la plus forte proportion au Québec, où la moyenne est de 20,1 %, mais c’est aussi largement supérieur aux villages (moins de 2 500 habitants), qui ferment la marche, avec seulement 13,8 % d’intentions entrepreneuriales.

Mais si autant de citadins rêvent d’entreprises, la proportion de ceux qui passent aux «démarches» diminue considérablement, pour atteindre 11,6 % (soit très près de la moyenne, qui est de 10,2 %). Pire, seuls 7,5 % des «métropolitains» arrivent au stade de «propriétaire», soit moins que la moyenne québécoise, qui est de 7,9 %.

Par ailleurs, ils sont aussi plus nombreux à avoir connu une fermeture (13,6 % par rapport à 12,3 %, pour toute la province). Autrement dit, le rêve s’effrite rapidement.

«À Montréal [ou dans les quatre grandes villes], il y a peut-être plus d’occasions de décrocher un emploi qui nous convient, avance Gabriel Chirita, directeur recherche et transfert de connaissances à l’Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale HEC Montréal, partenaire de la Fondation, pour expliquer cette situation. Et dans les grands centres, l’environnement est plus compliqué, sinon perçu comme étant plus difficile pour se lancer en affaires.»

Les zones rurales sont en feu

Si les grands centres urbains rêvent, ce sont les villages et les petites villes (moins de 10 000 habitants) qui passent à l’action. Sous la moyenne québécoise au plan des intentions (18,2 % pour les petites villes et 13,8 % pour les villages, comparés à une moyenne de 20,1 %), ils surpassent la moyenne lorsqu’il est question d’entreprendre des démarches (respectivement 11,7 % et 11,1 %, comparativement à une moyenne de 10,2 %), et de devenir propriétaires (respectivement 11,6 % et 10,2 %; moyenne de 7,9 %).

Autre fracture entre régions et milieux urbains: le moyen envisagé pour se lancer en affaires. Les champions dans la création de nouvelles entreprises sont les métropoles, à 73,5 %. Tandis que les petites villes et villages se démarquent dans la relève d’entreprise: à 32,5 % et 36,5 % respectivement, alors que la moyenne québécoise est de 18,7 % pour cette catégorie.

Bonne nouvelle pour les régions, 69,7% des Québécois souhaitent entreprendre dans la région où ils demeurent. Cependant, près du quart des répondants de la Côte-Nord (24,4%) et 18,8% des Lanaudois pensent s’exiler pour se lancer en affaires.

Entre les métropoles, où l’on rêve, et les zones rurales (ou faiblement peuplées), où l’on agit, restent les villes «grandes» et «moyennes», soit celles qui comptent entre 10 000 et 250 000 habitants. Dans ces dernières, les indicateurs mesurés par l’Indice sont tous situés sous la moyenne québécoise.

«S’il y avait un coup de barre à donner, ce serait probablement là, s’entendent pour dire Gabriel Chirita et Rina Marchand. Toutefois, nous n’avons pas les données pour expliquer le phénomène.» C’est peut-être un effet de «ville-dortoir», où les Longueuil et Lévis abritent des travailleurs ou entrepreneurs de Montréal et Québec.

Statistiques

46,9 %

Pourcentage de Québécois qui pensent que les entrepreneurs sont «généralement honnêtes». La proportion est la plus élevée en Gaspésie (59,8 %) et la plus faible en Montérégie (40,7 %).

92 %

Pourcentage de répondants du Centre-du-Québec qui croient que les entrepreneurs sont des «créateurs de richesse», dans les Laurentides, c’est 62,7 %.

71,7 %

Pourcentage des répondants de la Côte-Nord qui perçoivent positivement l’implication des entrepreneurs dans leur communauté. Ce taux chute à 45,8 % chez les Montréalais.

82,8 %

Pourcentage des répondants de l’Estrie qui considèrent que l’enrichissement des entrepreneurs «est sain». Seulement 57,5% des gens sondés en Abitibi-Témiscamingue pensent la même chose.

Source: Indice entrepreneurial québécois 2015, Fondation de l’entrepreneurship